Kapitalis 26-9-2020
Mehdi
jendoubi
Universitaire.
Le président est un homme de science et de conviction, il
est droit, honnête, courtois et modeste. Ceux qui le connaissent de près,
témoignent tous de ces valeurs, qu’il a su incarner durant sa campagne
électorale atypique des présidentielles d’Octobre 2019. Cela qui lui a valu
cette confiance massive, d’un peuple inquiet par les bouleversements vécus
depuis dix ans, et déçu par une succession de gouvernants bien élus mais
inefficaces. Les Tunisiens restent malgré leur inquiétude et leur déception,
tellement assoiffés de valeurs, porteuses d’avenir, et même les idées passent
en second lieu, quand ils tombent en amour d’un chef sorti de leur rang pour
lui accorder leur confiance.
Monsieur Kais Saied a toujours proclamé qu’il n’avait pas
de programme électoral, et pourtant il a obtenu l’adhésion que nous
connaissons. Une subtile alchimie a permis aux tunisiens de reconnaitre qui
était le plus digne de leur confiance, ce sont les valeurs incarnées, par cet
homme qui ont primé. C’est le vrai trésor de guerre de notre président. Quand
d’autres concurrents mettaient dans la balance électorale leur militantisme et
leurs sacrifices sous l’ancien régime, ou leurs compétences de responsables de
haut niveau, monsieur Saied présentait un CV politique vierge, ses premières
prises de positions publiques d’expert en droit constitutionnel sont
postérieures à la révolution. Ses valeurs, ont fait de lui un premier candidat
au premier tour, un président triomphant, au second tour et continuent à le
sauver une année après son élection comme l’indiquent plusieurs sondages.
La vidéo du mercredi 23 septembre 2020 où le président critique ouvertement de récentes nominations de conseillers
du chef de gouvernement, est un premier coup porté à cette alchimie des valeurs
qu’incarne le président, elle constitue une vraie gaffe et nécessite une
subtile réparation politique, pour arrêter les dégâts.
Monsieur le président a parlé de
« nominations », sans citer les noms, mais le contexte était
explicite, puisque seules trois personnes étaient concernées par les propos du président,
et donc montrées du doigt publiquement parce que facilement identifiables. Il a
lancé des accusations collectives, ce qui constitue une première injustice,
puisque la responsabilité en cas de faute est toujours individuelle et que nul
ne peut être comptable de la faute d’un autre.
Le président a parlé de personnes dont « la seule
expertise est la fraude », cela est excessif car l’un d’eux est
comme lui professeur universitaire spécialiste d’économie et auteur d’ouvrages
scientifiques. Monsieur le président a été encore une fois doublement injuste car il se permet en tant
que juriste de juger de la valeur d’un économiste, ce qui pose problème sur le
plan purement académique, et puis on aurait mieux apprécié de l’entendre les
qualifier « d’experts et de fraudeurs ». Ne pas aimer une personne,
n’autorise pas à lui nier toute valeur intrinsèque.
Monsieur le président dit ne pas avoir un jugement
définitif, dix ans après la révolution, et accuse certaines parties « d’entraver
la justice ». Il se réfère au rapport de la commission nationale
d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation présidée en
2011, par feu Abdelfattah Amor. Sur cette base il déclare
que ces personnes ont commis des « crimes contre le peuple », qu’ils
ont « dilapidé des fonds publics » et se sont « appropriés
frauduleusement des terrains ».
Mes connaissances de droit sont nulles, mais elles me
permettent de savoir que nul ne peut être accusé, publiquement et de manière
quasi nominative, sur la base d’un rapport et d’informations obtenues en
commission. Cela ouvrirait largement la porte à toute accusation irresponsable,
disproportionnée et injuste.
Il est du droit du président de ne pas aimer les anciens
responsables de l’ancien régime, il est de son droit de proposer une loi pour
leur interdire tout « retour » à l’appareil d’Etat, il est de son
droit de dénoncer politiquement, le comportement des anciens responsables, mais
il n’est pas de son droit comme tout citoyen de porter une accusation publique
à des personnes montrées du doigt de manière quasi nominative, que la justice
n’a pas condamnées. C’est un manque d’équité, un abus de pouvoir et une
violence symbolique relayée par vidéo.
Les valeurs constituent un système solidaire et fonctionnent dans l’harmonie et la complémentarité. Etre honnête et droit, ne dispense pas d’être équitable même avec ses ennemis, que dire avec ses administrés. Monsieur le président a commis une faute éthique et en homme d’honneur, la seule réparation est de s’excuser modestement, à des citoyens innocents, en attendant un procès équitable où il sera donné aux accusés le droit d’apporter la contradiction, et un jugement définitif. Cela le grandira, et l’alchimie des valeurs qui lui a donné notre confiance perdurera. Nous en avons tellement besoin.
Note: plusieurs medias ont annoncé officieusement plusieurs jours avant l'audience présidentielle du 23 Septembre 2020, la nomination de trois hauts responsables aux postes de conseillers du Chef du Gouvernement, il s'agissait de MM. Taoufic Baccar, Mongi Safra et Slim Tissaoui.
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